Travail : le parcours semé d’embûches des musulmanes pratiquantes 2017-12-14T14:53:12+01:00

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Les musulmanes voilées trouvent difficilement leur place dans le monde du travail

La rédaction avec AFP | 09.10.2015

La religion a-t-elle sa place au travail ? Les salariées musulmanes, attachées à la possibilité de porter le foulard ou au fait de prier sur leur lieu professionnel, notent des réactions prudentes voire négatives de la part des employeurs, selon une enquête menée par un cabinet spécialisé.

Il existe de « fortes discriminations » à l’embauche liées à la religion, surtout envers les musulmans pratiquants, révèle une étude de l’Institut Montaigne publiée jeudi. Pour mesurer cette différence de traitement, des candidatures fictives ont été envoyées en réponse à 6 200 offres d’emploi de septembre 2013 à septembre 2014. Les profils étaient identiques en tout point, à l’exception de la religion. Les résultats sont édifiants : comparé à celui des catholiques pratiquants, le taux de convocation à un entretien était de 50 % inférieur pour les candidats identifiés comme musulmans pratiquants et de 30 % inférieur pour les juifs.

Par ailleurs, lorsqu’elles sont embauchées, certaines salariées musulmanes qui souhaitent porter le voile ou faire leur prière estiment être vues d’un mauvais œil par leur employeur. C’est le résultat d’une enquête parallèle, rendue publique par InAgora, un cabinet de conseil spécialisé dans la gestion du fait religieux en entreprise, réalisée entre avril et juin dernier. Elle s’est intéressée au vécu de 250 salariées du secteur privé en Île-de-France qui se définissent comme musulmanes pratiquantes.

Parmi ces femmes, six sur dix estiment qu’il est « très important » de pouvoir respecter certaines prescriptions religieuses, sachant que la laïcité ne s’applique pas aux entreprises privées, où c’est la liberté de manifester ses convictions qui prévaut, dans les limites (hygiène, sécurité, refus du prosélytisme…) fixées par la loi. L’accomplissement de la prière rituelle (deuxième pilier de l’islam) durant les temps de pause et le port du hijab (laissant le visage découvert) « constituent les pratiques les plus souhaitées » par les salariées, note l’étude. La prière est majoritaire pour une nette majorité des femmes concernées (64%), devant le port du hijab, priorité n°1 pour 23% et n°2 pour 34% d’entre elles.

Réactions majoritairement négatives au voile

Selon les femmes interrogées, 71% des employeurs accordent la possibilité de prendre un jour de congé lors des fêtes religieuses, l’autorisation du port du hijab n’étant autorisé que par 50% d’entre eux. Mais lors d’entretiens approfondis avec 30 femmes, « des réactions le plus souvent négatives ont été mentionnées » concernant le rapport des chefs d’entreprise au fait religieux. « Le port du hijab pose généralement problème aux employeurs qui préfèrent recruter des personnes non voilées, et n’envisagent d’embaucher une femme portant le hijab qu’en cas de difficulté à pourvoir le poste », notent les rédacteurs de l’étude. Nabila, 27 ans, professeur de français langue étrangère portant le foulard, en témoigne: « J’ai voulu faire du volontariat dans un foyer de réfugiés dans le 93. Mais la directrice adjointe m’a répondu : « Vous n’avez aucun avenir professionnel » ».

Parmi les managers aussi, « il semble bien que, le plus souvent, les réactions aux pratiques religieuses sont défavorables ». « Ma supérieure hiérarchique N+2 (supérieur d’un supérieur, NDLR.) m’a dit que si je voulais porter le voile, il faudrait que je trouve de bons arguments pour la convaincre (…). C’est marrant, le fumeur par exemple n’a pas à se justifier de nuire à sa santé », remarque Sandra, agent bancaire de 40 ans. Le principal argument invoqué est la crainte de la réaction du client, même si le chef d’entreprise « n’est pas à l’abri d’une méprise », les avis extérieurs étant parfois plus tolérants qu’en interne, relève le rapport. Le regard des collègues, notamment dans des équipes marquées par une diversité d’origines, peut favoriser l’acceptation de la singularité religieuse. « Les entretiens ont révélé une variété de situations entre préjugés négatifs et acceptation bienveillante avec, toujours, la possibilité que la perception de l’autre évolue lorsque la connaissance mutuelle s’approfondit », souligne l’étude.