Islam : prier au travail, une revendication plus importante que le port du voile 2017-12-14T14:57:59+01:00

Project Description

Islam : prier au travail, une revendication plus importante que le port du voile

Bernadette Sauvaget | 6.10.2015

Selon une étude sur les pratiques religieuses dans les entreprises menée par Inagora, les musulmanes demandent en premier lieu de pouvoir faire leur prière. Le port du foulard arrive loin derrière.

Loin des polémiques à répétition, le cabinet Inagora a mené, au printemps, auprès de salariées musulmanes pratiquantes d’Ile-de-France, une enquête sur leurs pratiques religieuses au sein de leur entreprise. «Personne n’avait jamais interrogé ces femmes. Seuls les managers avaient été sollicités sur ces questions», explique Anaïs Leleux, la consultante qui a mené en deux temps ce travail auprès de salariées du secteur privé : d’abord en soumettant un questionnaire à 250 femmes puis en effectuant trente entretiens individuels.

Quelle est leur première revendication ?

Contrairement aux idées reçues, les pratiquantes musulmanes estiment que pouvoir prier dans l’entreprise est leur première priorité. Parmi les 250 femmes interrogées lors de l’enquête, 64% affirment que c’est la pratique rituelle à laquelle elles attachent le plus d’importance. Cette revendication arrive loin devant le port du foulard dans l’entreprise, que seulement 23% des musulmanes salariées placent en tête de leur priorité. 10% choisissent, elles, le fait de pouvoir pratiquer le ramadan.

La prière (salât) appartient aux cinq piliers de l’islam (les devoirs du musulman pratiquant) comme le jeûne du mois de ramadan. Ce qui n’est pas le cas du port du voile. Selon Anaïs Leleux, le foulard «continue à susciter le débat [parmi les femmes musulmanes.] Certaines estiment que c’est une obligation religieuse tandis que d’autres le considèrent comme une pratique culturelle».

Comment prient-elles dans l’entreprise ?

La plupart prient clandestinement. Les unes et les autres mettent à profit les pauses pour se retirer à l’écart des regards, dans un vestiaire par exemple. «Je prie vraiment en cachette, très rapidement, comme si je commettais un petit crime», raconte l’une des femmes interrogées, ingénieur dans les télécoms. Quoi qu’il en soit, les salariées musulmanes avancent prudemment dans leurs revendications. A peine, 5% de celles qui ont été interrogées pour l’étude verraient la nécessité d’un local spécialement dédié à la prière au sein de l’entreprise.

Le port du voile crée-t-il la polémique ?

L’enquête divulgue un chiffre très étonnant. Selon les salariées interrogées, 50 % des entreprises où elles travaillent autoriseraient le port du voile contre 26% la pratique de la prière rituelle pendant les pauses. Pourtant, parmi les femmes musulmanes, soucieuses sans doute de ménager leur carrière, la discrétion domine. «La majorité ne le porte pas», souligne Anaïs Leleux. Ou si elles le portent, elles adoptent des stratégies pour passer inaperçues. Comme le note Anaïs Leleux, «la plupart noue leur voile en turban». La consultante mentionne même le cas de la salariée d’une crèche qui passe une charlotte par dessus son voile pour le dissimuler.

Et alors qu’une femme interrogée sur trois estime que son employeur a une attitude fermée par rapport à sa pratique religieuse, la même proportion déclare avoir un patron ouvert. L’étude note aussi que plus l’entreprise est petite (les relations y sont plus personnalisées), moins la situation est potentiellement conflictuelle.